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Liban 2009: « A la recherche du citoyen libanais »

Contexte général dans lequel le projet a vu le jour et situation des droits de l’homme dans le pays

Depuis plusieurs années, Patrick Chappatte, avec le soutien et la collaboration du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), s’est attelé à la mise en place d’une coopération entre caricaturistes originaires du monde entier.

En phase d’être renouvelé pour une sixième édition, « Plumes croisées » compte déjà à son actif des éditions ayant été menées à bien en Serbie (2003), en Côte d'Ivoire (2006), au Liban (2009), au Kenya (2010), et en Amérique Centrale – Guatemala, Salvador et Honduras - (2012).

« Plumes croisées » consiste en la création d’ateliers regroupant des artistes-caricaturistes venant de différentes régions du monde où la situation des droits de l’homme s’avère problématique, afin de sensibiliser, à travers le dessin de presse, tout un chacun dans la tolérance, au respect de la liberté d’expression et de ainsi promouvoir toutes les valeurs véhiculées par les droits humains. En outre, l’exercice permet d’aborder, par l’humour, certains sujets d’actualité sensibles et présentant un lien important avec les droits de l’homme.

La popularité et la visibilité d’un tel projet, en plus de celle assurée par les expositions et les débats publics organisés dépend aussi de la marque et du souvenir qu’il laisse dans le temps. C’est pourquoi chacune des différents éditions s’est attelé à fournir, à la fin de l’atelier y étant relatif, un produit fini à l’intention du public. Ainsi, ont été produit, et respectivement pour chaque d’édition, un recueil de caricatures, un album de bandes dessinées (qui a même vu naitre une suite dans les années qui suivirent), des cartes postales, des courts métrages et finalement un calendrier. Reste à savoir ce que nous réserve la prochaine édition…
Considéré, durant la période allant de son indépendance en 1948 au début de la guerre civile de 1975-1990, comme la « Suisse du Moyen-Orient » en raison de sa prospérité économique, de sa puissance financière et de sa stabilité politique, le Liban d’aujourd’hui n’est plus que l’ombre de ce qu’il fût.

La première Constitution libanaise a été adoptée en 1926 sous le mandat français avant l’indépendance. Celle-ci dispose que « le Liban est une république démocratique, parlementaire, fondée sur le respect des libertés publiques, (….) sur la justice sociale et l'égalité dans les droits et obligations entre tous les citoyens sans distinction ni préférence ». De plus, elle garantit l’égalité des citoyens, non seulement devant la loi mais aussi dans la jouissance des droits civils et politiques. Finalement, la Constitution assure aussi une répartition équitable des sièges parlementaires entre chrétiens et musulmans.

Cependant, ces apparentes garanties judiciaires restent, la plupart du temps, lettre morte depuis la fin de la guerre civile. Société pluriconfessionnelle et politiquement confessionnaliste, le Liban fait face depuis 1990 à une véritable crise politique continue opposant tout d’abord les différentes religions puis, depuis peu, les élites, regroupées en deux coalitions en constante opposition. Chacune tente de prendre le pouvoir mais sans tenir compte de l’opinion et des besoins de leurs concitoyens. Qui plus est, l’influence étrangère se fait de plus en plus sentir dans les décisions politiques au détriment de la volonté des citoyens libanais.

C’est dans ce contexte de tensions confessionnelles et de jeux d’influences, que cela soit en raison su conflit israélo-palestinien, de l’attrait que représente l’Etat libanais en termes de ressources naturelles ou de la volonté de domination sur ce dernier qu’entretenait la Syrie que l’atelier de « Plumes Croisées » 2009 a vu le jour.

Situation actuelle

Malheureusement, la situation est loin de s’être améliorée depuis.

En effet, les tensions israélo-palestiniennes grandissantes de ces dernières années et l’actuelle guerre en Syrie ont encore dégradé les relations entre le Liban et ses pays voisins. Le flux de réfugié venant des pays voisins s’est accru de manière trop importante pour ce petit pays de 4 millions d’habitants et représente un véritable problème en raison du changement dans l’équilibre des confessions qu’il induit, son influence sur le chômage et le logement ainsi que le financement de la santé et l’éducation.

En réponse à cela, le Liban continu à appliquer une politique et une législation discriminatoire, en opposition avec la Constitution libanaise, à l’encontre des palestiniens sur son territoire. Ceux-ci se voient interdire l’exercice de certaines professions ou même l’exercice de certains droits dont disposent d’autres communautés au sein du Liban. Depuis le début du conflit syrien, les réfugiés palestiniens sont même l’objet d’une discrimination à l’entrée au Liban.

La discrimination au Liban n’est malheureusement pas limitée aux questions de citoyenneté. En effet, d’autres groupes de personnes font encore l’objet d’une forte discrimination notamment en raison de leur genre ou leur orientation sexuelle.

Parallèlement à cela, d’autres problèmes retiennent l’attention quant au respect des droits de l’homme au Liban. En effet, les citoyens libanais ont vu, ces dernières années, leur liberté d’expression réduite et y recourir conduit dans certains cas à des procès inéquitables, des détentions arbitraires ou des disparitions forcées.

La violence générale à l’égard de la population libanaise se manifeste encore dans les nombreux cas de tortures recensés dans les prisons libanaises ainsi que dans le maintien par l’Etat de la peine de mort dans le code pénal libanais.

Objectifs du projet

« Plumes croisées : A la recherche du citoyen libanais » s’articule autour de trois thèmes principaux directement lié au contexte exposé ci-dessus. Tout d’abord, il était question de mettre en exergue la relation problématique existante au Liban entre les clans, la religion et les institutions politiques ainsi que l’attitude partisane des médias au sujet des questions liées à cette problématique.

Le deuxième point abordé par cette édition libanaise fut la question de la relation importante qu’il existe en la confession d’un citoyen et sa vie quotidienne.

Finalement, le troisième et dernier point ayant retenu l’attention des caricaturistes durant cette troisième édition de « Plumes croisées » est l’absence de règles communes à tous les citoyens, la notion de citoyenneté étant pour ainsi dire subordonnée à la confession dans le contexte libanais.

Volet au Liban

Trois ans après l’édition ivoirienne et profitant de sa présence au Liban pour un projet en collaboration avec le CICR, Patrick Chappatte, sur proposition et avec la collaboration de l’Ambassade Suisse à Beyrouth, ainsi qu’avec Département fédéral des affaires étrangères, décida de mettre en place une édition libanaise de « Plumes croisées ».

L’artiste se rendit tout d’abord au Liban durant le mois de février afin de d’y effectuer un projet en collaboration avec le CICR, sans lien avec « Plumes croisées », et profita de sa présence sur place ainsi que du travail effectué en prévision par l’Ambassade afin de prendre contact avec les artistes ainsi que de superviser l’opération de réalisation des dessins de presses requis afin de mettre sur place l’exposition. Il y a lieu ici de préciser qu’une attention particulière fut apportée à l’origine communautaire des artistes afin de garantir une représentation équitable de chacune des communautés dans le projet.

Après avoir été préalablement publiés dans huit journaux partenaires, les 24 dessins résultants du travail thématique des caricaturistes furent exposés, ainsi que d’autres dessins de Patrick Chappatte et de ses confrères sur la situation au Proche-Orient, dans le théâtre Masrah el Medina à Hamra.

Cette exposition, qui prit place suite à un deuxième voyage au Liban de Patrick Chappatte durant le mois de mars, fut accompagné de la tenue d’une table ronde ayant pour thématique : « Comment dessiner le Liban aujourd’hui ». Cette dernière s’articulait tout particulièrement autour de l’expérience de chacun, de la liberté d’expression au Liban et dans la région ainsi que, bien entendu, la notion de citoyenneté.

Volet en Suisse

Le volet en Suisse de l’édition libanaise s’est quant à lui dérouler dans un contexte tout à fait exceptionnel puisque, pour la première fois, celui-ci eu lieu dans le cadre du festival Morges-sous-Rire.

Les dessins ayant été produits lors de l’atelier de février furent exposés au Salon du dessin de presse et leurs auteurs invités par le DFAE en Suisse afin de participer à la manifestation ainsi qu’à d’autres évènements en Suisse.

Produit final d’où sont tirées les illustrations

Les images concernant le Liban sont tirées de la série de cartes postales ayant été créée dans le cadre de cette 3ème édition de « Plumes croisées ».

Créé sous la forme d’un coffret de 24 cartes postales, le résultat de cette édition de « Plumes croisées » fut vendu tout d’abord lors de l’exposition à Beyrouth et ensuite dans différentes librairies de la ville.